Charles comte de Lambert

A partir de 1891 l'Allemand Otto Lilienthal effectue un grand nombre de vols planés, à partir d'une petite colline à Lichterfelde, près de Berlin, en étant suspendu sous une grande aile construite par lui-même; ses expériences causeront finalement sa perte le lundi 10 août 1896.



Le samedi 29 juin 1895
Vol plané depuis une colline à Lichterfelde; photographe inconnu
Archives Otto-Lilienthal-Museum/www.lilienthal-museum.de

Des Américains, les frères Wright, inspirés par une photo d'Otto Lilienthal avec son planeur, bénéficient et tirent profit de son étude scientifique de la technique du vol plané. Le 17 décembre 1903 la grande aventure de l'aviation commence véritablement quand Orville Wright, frère cadet de Wilbur, dans les dunes de Kill Devil Hills à Kitty Hawk, Caroline du Nord, E.U. parcourt 40 mètres en réalisant un vol de 12 secondes. Ce 'bond' historique est officiellement le premier vol controlé d'un engin 'plus lourd que l'air'.

Les frères Wright proposent leur invention au Ministère de la Guerre de leur pays mais cela ne suscite aucun intérêt. Ils sont ignorés de même par le public Américain et même traités de 'Lying brothers' ('Des frères menteurs') au lieu de 'Flying brothers' ('Des frères volants'). Craignant de perdre leur invention ils s'imposent alors un silence complet durant de longues années.

Le contact avec le Ministère de la Guerre du Royaume-Uni reste également sans résultat. C'est alors que les frères Wright s'adressent au Ministère français de la Guerre. Ces nouvelles tractations aboutissent aussi à un échec d'une part causé par le refus des frères Wright de montrer au préalable leur appareil comme cela leur est demandé.
Cependant, poussés et stimulés par les progrès de leurs concurrents, les aviateurs français (depuis 1783 la France avait l'expérience des aérostats), un accord d'un montant de 500.000 francs français est finalement conclu, en avril 1908, avec un syndicat spécialement créé pour la venue en France des Wright à des fins d'expérimentation de leur machine volante. Un article du contrat comprend la formation, en France, de trois pilotes. Début juin 1908 Wilbur Wright s'embarque une seconde fois pour l'Ancien Monde (de mai à novembre 1907 les frères Wright avaient parcouru en vain l'Europe pour promouvoir leur invention).

Après avoir visité plusieurs emplacements en France Wilbur Wright trouve au Mans un terrain pour effectuer ses démonstrations de vol. Le 8 août 1908 c'est l'heure de vérité: à l'hippodrome des Hunaudières Wilbur effectue son premier vol public au monde et en même temps le premier vol des frères Wright en Europe. Pour les spectateurs c'est la révélation!

Charles Alexandre Maurice Joseph Marie Jules Stanislas Jacques comte Charles de Lambert est né à Funchal (île de Madère) le 30 décembre 1865 à 03:30. Dès 1885, à peine âgé de 20 ans, il se consacre entièrement à des "bateaux-glisseurs", précurseur de "l'hovercraft". Il s'intéresse également à la locomotion aérienne et au vol mécanique. Sa foi dans l'avenir de l'aviation ne fait que s'affirmer avec sa première leçon d'aviation au Mans le 28 octobre 1908.

Des circonstances hivernales comme la pluie, la brume et le froid empêchent fin 1908 la formation des pilotes au Mans et Wilbur Wright accepte alors la proposition de la ville de Pau, située, dans un climat plus doux, au pied des Pyrénées. Début janvier 1909 le hangar à la Lande du Pont-Long dessiné par Wilbur est prêt à recevoir à Pau la première école d'aviation au monde.

Les premiers élèves pilotes de l'école d'aviation de Pau sont l'aristocrate de 43 ans Charles comte de Lambert (1er pilote), l'aéronaute Paul Tissandier (pilote) et l'envoyé spécial du Ministère de la Guerre, le capitaine Paul N. Lucas-Girardville. Après seulement 23 leçons, d'une durée totale de 5 heures et 23 minutes, Charles de Lambert vole seul le 18 mars 1909. A cette époque le 'cordon ombilical' n'est pas encore rompu; on ne s'éloigne pas ainsi des champs d'aviation autour desquels s'effectuent les circuits de vol.



Le lundi 15 février 1909
Charles comte de Lambert au départ de son premier vol à l'école d'aviation de Pau
Collection Jean-Louis Maffre

Touts ces développements ont toute l'attention de monsieur Sybrand Casparus Jan Heerma van Voss, un fortuné industriel du sucre résidant à Leur, Pays-Bas. A l'occasion du 40º anniversaire de la fondation de sa sucrerie il décide de ne pas organiser une course cycliste, coutume en vogue à l'époque, mais d'offrir plutôt à ses employés et le village d'Etten en Leur 'quelque chose de spécial': le spectacle d'un aéroplane motorisé en plein vol, démonstration que l'on verra pour la première fois aux Pays-Bas. Après des négociations très difficiles avec des imprésarios, c'est en fin de compte le pionnier de l'aviation Charles comte de Lambert qui vient à Etten en Leur.
Le dimanche 27 juin 1909 le grand jour est arrivé. Venant de près ou de loin, ce sont des dizaines de milliers de gens qui arrivent par bicyclettes, charrettes, tramways spécialement affrétés, à pied, etcétéra etcétéra à la Klappenbergse Heide (Bruyère de Klappenberg). La foule énorme n'a pas de chance car il pleut à verse toute la journée. Le public qui commence à s'impatienter sur la lande trempée, se sent lésé! Des heures plus tard, alors que la plupart des spectateurs, très déçus, est déjà rentré, Charles de Lambert estime que le temps et surtout la direction du vent, est redevenu assez favorable pour tenter un essai. A 20:25 son appareil Wright "Flyer" s'élève au-dessus du territoire néerlandais et parcourt plus d'un kilomètre en restant environ 3,5 minutes en vol. C'est une véritable date historique pour les Pays-Bas: la base de l'aéronautique néerlandaise est jetée.



Le mardi 11 octobre 2005
Monument d'aviation à Etten-Leur
Courtesy Gijs D. van Kooten, photographe

Octobre 1908 Lord Northcliffe, habitué de la ville de Pau dont le journal le Daily Mail distribue depuis plus de deux ans des prix d'aviation, annonce qu'il offre £ 1000 pour quiconque réussira la traversée de la Manche en aéroplane. Le journal Londonien offre Wilbur Wright, qui semble évidemment être l'homme de la situation, £ 1.000 extra quand il gagne le prix. Mais depuis les Etats-Unis, où il est resté, Orville conseille à son frère aîné Wilbur, de décliner l'offre parce qu'il est peu désireux de se donner en spectacle en volant au-dessus de la mer alors qu'il peut gagner plus d'argent en vendant ses propres aéroplanes.
Les aviateurs européens n'ont pas la même attitude. Vers juillet 1909 après son action courageuse aux Pays-Bas le comte de Lambert, qui possède deux biplans Wright "Flyer" se rend sur la plage de Wissant, dans le Pas-de-Calais, prêt à participer également à cette épreuve. Hubert Latham aussi, Français né et élevé en Angleterre, qui dispose d'un monoplan "Antoinette IV" et Louis Blériot qui, après une visite chez des amis planteurs à Haïti, a obtenu un prêt important afin de payer son monoplan "Blériot XI", sont déjà sur place et se préparent à relever le défi du Daily Mail. Latham s'élance le premier mais un problème électrique le force à amerrir. Les sauveteurs le trouvent tranquillement assis dans son aéroplane, fumant une cigarette au milieu des flots. Les pannes successives de moteur que Charles de Lambert doit endurer laissent le champ libre à Blériot (gravement brûlé au pied au cours des essais) qui - nul ne l'ignore - accomplit l'exploit de la première traversée de la Manche avec un vol de 35 kilomètres en 23 minutes le dimanche 25 juillet 1909.

Au 1er aérodrome organisé au monde de Port Aviation (Juvisy-sur-Orge), créé le 15 octobre 1908 à Viry-Châtillon (dans la périphérie de Paris) se déroule la 'Grande Quinzaine de l'Aviation de Paris' du 3 jusqu'au 21 octobre 1909. Le comte de Lambert cherche une véritable revanche sportive, sans idée de récompense pécuniaire, après son échec de la Manche; à Port Aviation il y remporte à peu près tous les prix. A la fin de la première partie du programme officiel, le lundi 18 octobre 1909, se tiendra en soirée le banquet des aviateurs. Le comte de Lambert en grand secret, fait préparer tout spécialement son Wright "Flyer" par son mécanicien. Et il décolle à 16:37 de Port Aviation, se risque au-dessus de l'océan d'immeubles de Paris, vole jusqu'à la Tour Eiffel, la contourne à une hauteur d'environ 400 mètres et retourne à son lieu de départ à Port Aviation où il atterrit après un vol de 48 kilomètres, en 49 minutes et 39 secondes. Le monde est perplexe devant cet exploit.
L'Aéroclub de France décerne aussitôt à Charles comte de Lambert sa Grande Médaille d'Or et dans les jours suivants il est fait Chevalier de la Légion d'Honneur. Des ponts d'or lui sont alors proposés pour le décider à faire des démonstrations et participer à des concours, mais il les repousse.



Le lundi 18 octobre 1909
Charles comte de Lambert, encore en tenue d'aviateur, est félicité par Gustave Eiffel
'La Vie au Grand Air' le 23 octobre 1909

Charles de Lambert est également un inventeur brillant et nous devons à ses travaux "l'hovercraft". En octobre 1913 un hydroglisseur de Lambert piloté par son grand ami Paul Tissandier, bat le record du monde de vitesse sur l'eau avec 98,600 km/h.



1913
Sur leur hydroglisseur sur la Seine à Triel-sur-Seine (Yvelines) Paul Tissandier, en présence de Charles de Lambert, examine le groupe moto-propulseur
Collection Gérard Rooss



1913
Hydroglisseur évoluant sur la Seine à Triel-sur-Seine
Collection Gérard Rooss

Dans l'oubli et ruiné - il ne possède même plus l'indispensable pour assumer le quotidien des siens - il décède dans une clinique de Saint-Sylvain d'Anjou, (France)le 26 février 1944 à 08:30.